Mars 1983…..Dans la fraicheur d’un matin glacial j’accompagne mon père sur le bord de l’Allier.
5heure du matin, la Terrasse s’éveille.
Les premiers pêcheurs sont là autour du feu. Les discutions vont bon train .On parle des saumons aperçus la veille. De ces autres poissons que l’on signale dans les environs de Vichy et dont il faut attendre quelques jours pour les voir passer dans le 63.
Ainsi débute à 13 ans,ma première journée de pêcheur au saumon.
De ces gens qui ornent l’Allier, solitude se fait rare.Ils aiment se regrouper sous forme d’équipe qui se déplace au fil de la migration.
Des pêches lourdes ou les nivernais tentent leur chance sous le pont du Guetin à la maitrise d’un devon dans les odeurs de l’alambic de la grappe. De l’usage des crevettes qui misent sur les eaux réchauffées du Saut du loup aux premières dérives d’une 18 pied au camping de la Viallette, la pêche du saumon c’est un voyage au fil des mois et des eaux de l’Allier
Chaque saison de pêche se compose de quelques rituels.
Des mois d’hiver ou la récupération de quelques carburateurs fournis la matière première pour fabriquer les devons. L’odeur de l’alpax qui fond et coule dans les moules pour donner naissance à ces pièces de métal.
Célèbres devons dont certains modèles sont les témoins d’une époque où l’on fabrique la moindre chose. Célèbres devons dont j’ai la chance d’admirer encore aujourd’hui des modèles uniques.
Du bruit de la presse qui plie la plaque de cuivre donnant naissance aux ondulantes. Des heures ou le parfum du miror nous conduit à faire briller le metal.
Ces heures encore ou l’on tord la corde à piano pour monter les tournantes et autres ondulantes.
De ces années j’en ai gardé d’innombrables anecdotes de pêche comme celle d’un jour de mai ou rentrant d’un séjour à Dakar le magasin de Riom nous avait confié un étrange machin en plastique rose.
Premier twist ou virgule que l’on avait affublée d’un triple. Premier geste d’un ado qui avait envie de montrer ces biscottos .Premier fois que j’avais voulu assommer le pêcheur d’en face qui avait l’ingratitude de nous lancer son ondulante dans les bottes. Premier geste raté qui au lieu de me venger de l’affront m’avait valu un plouf ridicule au milieu du pool de Pakowski.
Ferre, hurla Alfred ; ferre dernier mot avant que Salar fasse chandelle et offre à l’assistance des lieux le spectacle d’un éclat d’argent à la gueule pleine de rose.
De ces années j’en garde surtout la rencontre de gens engagés, atteint d’une étrange maladie que l’on me nomme « Saumonite »
Rare passion ne m’a jamais semblé si intense que celle qui coule dans les veines de ces hommes.
Combien de verbe et de combat d’idée lorsque Mr Cuinat allait défier la vindicte de l’assemblée générale de l’APPSA.
Combien de promesse avons-nous entendu lorsqu’une réunion de SOS Saumon avait offert opportunité aux scientifiques de Tadoussac de présenter le reconditionnement des géniteurs atlantiques comme l’arme absolu au déclin.
Souvenir de ces combats contre EPALA ou l’on avait marché à Serre de la Fare.Identité d’une génération qui avait compris que pour lutter contre certaines ambitions , il ne suffit pas de se plaindre sur internet. Sous la pluie du Veudre , c’est d’une Allier sauvage et libre que chacun rêvait.
Des noms raisonnent dans mes souvenirs. Des pêcheurs qui ont impressionné le débutant que j’etais.Chance inouïe d’apercevoir la dextérité de Mr Bonnenfant,de regarder Jean Claude Chavaillon à la pierre à Fernand, d’admirer la beauté d’une arabesque à Langeac.
Jean Claude Chavaillon parle du saumon sur H20 : Cliquez ici
Témoignage d’histoire de pêche que nous livre dans son dernier ouvrage Emmanuel Gladel.Invitation à parcourir avec lui les berges de l’Allier dans les environs de Brioude.
Découvrir le livre d’Emmanuel Gladel : https://www.fildepeche.fr/mes-histoires-de-peche-nouveau-livre/
Mars 1994…..11 ans plus tard, de ci de là des feux sont restés allumé.
Au pont de Limon le très connu maire de Puy- guillaume est venu faire preuve qu’en politique il faut savoir se placer. Sous l’impulsion du président du CMSA la pêche du saumon sera fermée.
Certains hurleront mais tous seront conscients de l’extrême fragilité du destin de salar.
Philosophie profonde je le crois qui a guidé mon opinion à l’égard de ceux qui conscient des changements climatiques ne peuvent se résoudre à laisser la vie à quelques salmonidés sauvages en grande souffrance.
Conviction affirmé à destination des plus jeunes, de ceux qui demain feront peut-être l’effort de s’engager au cœur de nos instances. Ne soyez naïf de rien, jamais crédule de ces spécialistes qui vous expliqueront preuve à l’appui que leur extrême expertise suffit à sauver nos rivieres.Ils ne sont que des grains infimes sans guère d’influence.
Comptage des saumons à Vichy : http://www.logrami.fr/actions/stations-comptage/vichy/
Le destin du salar, de trutta et de bien d’autres ne se jouent malheureusement plus à nos pieds. Chaque parcelle de vie tente de résister à notre indifférence.Atteint d’une étrange maladie, Nature se doit comme tout patient d’accepter que demain ne sera plus comme hier.
De ses souvenirs que s’estompent, des berges de l’Allier ou chaque automne le bruit des tronçonneuses nettoyaient les pools renommés, de ces anciens qui petit à petit laissent place, de ces pêcheurs de saumons, il ne reste plus rien. C’est une Allier bien vide.
Handicapé, amputé, notre capacité à prendre encore du plaisir passe par notre acceptation plutôt que par notre acharnement à nous bercer d’illusion. Irréversible, temporaire peut être, l’accélération actuelle doit nous convaincre à être force de proposition à travers un halieutisme assumé, seul capable d’éviter pour l’heure l’érosion des pécheurs sur les berges d’une des plus belle riviere de France.
Ainsi pourrait-on parler d’un temps que les moins de 20 ans n’ont pas connu………