Il est des batailles dont on connait l’issue à la moindre minute où elles débutent.
Frêle présomptueux que je suis, pendant un instant j’ai cru combattre cet adversaire avec la modestie de ma petite mangrove soie de 7 a laquelle j’avais accroché un simple chiro en 28/100.
Frêle présomptueux que je suis, lorsque la soie s’est tendue, lorsque le combat s’est éternisé, lorsque derrière l’appareil j’ai entendu la voix du spécialiste qui m’annonça d’un regard enthousiaste le poids présumé de la bête.
Frêle présomptueux que je suis, 15 kg de muscle, 40 minutes d’un combat acharné pour sentir ce brin de peau qui se déchire, ruinant les espoirs d’une rencontre improbable.
A la frustration immense, il me fallait chercher quelques réconforts pour accepter ce désagrément. Faire le deuil d’un instant si rare.
De tous les visages des rivières auvergnates, de toutes les saisons, il en est un auquel je voue une affection sans borne. C’est au pays des herbiers que j’allais me ressourcer.
De cet imbroglio végétal, Ils sont nombreux les pêcheurs qui détestent ce moment de l’année.Leurriste, amateur de godille, pêcheur aux appâts naturels, bien peu se risquent à faire vagabonder quelques bouchées appétissantes.
Comme le signe d’une liberté qui s’estompe. Comme le signe d’une nature qui cherche à se préserver d’une époque où même les amateurs de la canne à mouche souhaitent tout voir , tout savoir , tout saisir à l’image de ces pêcheurs , excellent naveur des rivieres franc-comtoise qui m’ont expliqué être tant perturbé lorsqu’ils viennent sur nos rivières. Il faut se rendre à l’évidence, Sioule a su fabriquer sans le vouloir d’immenses réserves.
Nul façon de chercher la tranquillité sans concéder à aller ou les autres ne vont pas. Ainsi il m’aura fallu des années pour apprendre à domestiquer ces interstices promotteurs.Percevoir que tout déplacement doit se faire à pas feutré. Comprendre que l’on ne pénètre pas au milieu des renoncules sans tenir compte de leur implantation, de la manière dont elles bougent. Maitriser ses déplacements tout en préservant de sa présence celles qui habitent les lieux.
J’aime pêcher ainsi. J’aime ne rien voir, tout deviner, retrouvant les réflexes d’une pêche pleine de mystère ou l’on se surprend à imaginer, à rêver.Une pratique tout en précision, tout en humilité ou parfois le simple fait de faire pénétrer une mouche dans l’eau suffit à vous amener une fois encore à l’étau.
J’aime sentir le poids d’une modeste truite qui fait tendre mon nylon, se saisissant du gammare qui lui échappe. J’aime soutenir, conduire, faire passer une simple noyée à la mode « tout nylon » que je m’amuse à détourner. J’aime mesurer combien le sieur thymallus si farouche ne peut se risquer à laisser passer une tricofil que l’on vient d’animer à l’endroit précis ou se trouve son repère.
Pêcher au milieu des herbiers ne s’improvise pas .C’est une pêche qui se prépare , qui se repere.Une pêche ou chaque caillou , chaque rocher , chaque veine d’eau a fait œuvre d’un repérage durant les semaines ou la rivière a accepté de se laisser regarder. Pêcher au milieu des herbiers reste à mon sens la meilleur expression du savoir que l’on a su accumuler au fil des années.Plus ils sont denses , plus je m’amuse.Plus ils sont denses , moins il y a de monde.
Pêcher au milieu des herbiers , c’est mon trip …..